Qui saurait résister au Chat lorsque ce dernier vient frotter son museau contre notre visage au réveil ou ses flancs contre nos jambes lorsque nous revenons d’une longue journée passée à l’extérieur ?

Mais s’il est indéniable que le Chat nous témoigne ainsi son affection, ce n’est toutefois pas la raison première de ce comportement. A travers ces contacts tactiles, mais également ses griffades et ses marquages urinaires, le Chat s’apaise, communique, marque son territoire et interagit ainsi avec ses congénères et son environnement en déposant ses phéromones !

Cette semaine, dans l’ABCdaire du PaChat, je vous entraîne donc dans le monde mystérieux de ces substances propres à chaque espèce animale, et qui servent de messagers chimiques entre individus, afin de vous permettre de mieux comprendre ce mode de communication chez le Chat et d’en apprécier pleinement toute l’importance !

Les phéromones, une communication chimique intra-espèce

Qu’est ce qu’une phéromones ?

Le terme « phéromone » provient du grec pherein (« transporter ») et hormon (« exciter »).

Les phéromones sont des substances chimiques comparables aux hormones, sécrétées par un individu et qui, perçues par un autre individu de la même espèce, vont provoquer des réponses comportementales et physiologiques spécifiques (sexuelles, maternelles, d’agression, d’agrégation …).

Support d’une communication de nature chimique entre les individus d’une même espèce, au même titre que la communication olfactive, les phéromones sont donc des composés dits sémiochimiques.

Initialement découvertes chez les insectes, les phéromones ont rapidement été retrouvées dans les deux règnes (animal et végétal) et chez toutes les espèces, y compris l’Homme.

Les phéromones sont sécrétés les glandes sudoripares situées entre les coussinets ainsi que par les glandes sébacées qui se trouvent autour des lèvres, du menton, au-dessus des yeux, à la base de la queue et près des organes génitaux.

Une phéromone répond aux 4 caractéristiques suivantes :

• elle correspond à une molécule simple de 5 à 20 atomes de carbone

• la réponse fonctionnelle qu’elle induit est spécifique à l’espèce

• cette réponse, physiologique ou comportementale, est bien définie

• la réponse comportementale ne relève pas d’un apprentissage

La nature chimique des phéromones

Chez les vertébrés supérieurs, les phéromones correspondent à un mélange d’acides gras, dont deux, l’acide oléique et l’acide linoléique (ceux-là mêmes qui composent l’huile d’olive à plus de 80 %), sont communs à toutes les phéromones.

Les autres acides gras complètent la formule d’une façon différente pour chaque espèce, et assure donc ainsi une signature spécifique à chacune d’entre elles.

Il a toutefois été mis en évidence que, dans le cas des phéromones maternelles notamment, appelées « apaisines », les herbivores, tout à la fois proies et nidifuges, présentent des phéromones de nature très similaire et que c’est également le cas chez les carnivores, prédateurs et nidicoles, dont les « apaisines » sont si proches qu’elles peuvent être confondues, par exemple, chez le chien et le Chat.

Les différents types de phéromones

Les phéromones sont avant tout connues pour leur rôle d’attraction dans la sexualité mais leur utilisation dans la nature est cependant bien plus large.

Le Chat, comme tous les autres animaux, dégage ces substances chimiques et émet 4 types de phéromones bien distincts :

• les phéromones territoriales, déposés par les marques urinaires et les griffades, et activées par l’émotion, la sexualité ou l’intrusion sur son territoire

• les phéromone d’alarme et d’espacement, émises lorsque le Chat a peur ou qu’il est stressé par vidange des sacs anaux ou transpiration des coussinets plantaires

• les phéromones d’identification, sécrétées par les glandes sébacées présentes sur les joues et déposées lorsque le Chat se frotte contre les objets ou contre nous, associées au bien-être

• les phéromones maternelles « apaisines », à l’origine de la création du lien d’attachement entre une mère et ses petits et sécrétées par les glandes sébacées du sillon inter -ammaire

Ces diverses phéromones fournissent des informations sur l’identité de chaque individu (mâle ou femelle), s’il est étranger ou pas, sur son statut reproducteur ainsi que sur sa localisation spatio-temporelle.

Elles varient en fonction de l’âge, du sexe, de l’état physiologique, des hormones et des émotions. Ainsi, chaque Chat possède une identité phéromonale unique.

Les particularités de la communication phéromonale

La communication phéromonale permet au Chat de communiquer avec une grande efficacité et d’avoir une gestion spatio-temporelle de son territoire :

• une communication à distance : les phéromones sont des molécules très actives, qui peuvent agir même en faible quantité, et être transportées et détectées à plusieurs kilomètres

• une communication différée : le message transporté par les phéromones peut être perçu en l’absence de l’individu qui l’a émis, c’est notamment le cas du marquage chez le Chat mais il sert aussi de compteur de temps au Chat qui, grâce à sa dégradation progressive, sait depuis combien de temps il l’a déposé là

La réponse à une phéromone peut également varier selon le type de phéromones émis. On distingue en effet :

• une réponse rapide aux phéromones de déclenchement ou incitatrices (comme les phéromones d’alerte ou de marquage territorial) qui conduisent à une modification instantanée et réversible du comportement du récepteur qui perçoit le signal (autre individu ou le Chat lui-même).

• une réponse retardée aux phéromones modificatrices qui provoquent d’importantes modifications physiologiques du récepteur, comme, par exemple, lors de la reproduction (inhibition ou facilitation de la maturité sexuelle)

Rôle, sécrétion et perception des phéromones chez le Chat

Le rôle des phéromones chez le Chat

Le Chat est un animal très sensible émotionnellement, et au-delà des vocalises qu’il utilise somme toute finalement assez peu, il active facilement le phénomènes d’émission des phéromones dans de nombreux cas (stress, peur, bien être, sexualité, défense, marquage territorial) et les disperse quotidiennement en urinant, faisant ses griffes, transpirant, se frottant, se toilettant, nous léchant …

En diffusant ainsi largement son identité phéromonale dans son environnement de vie, le Chat se rassure, se réconforte, se sent en sécurité, se met en confiance, se détend, se relaxe, s’apaise …

il est donc essentiel pour le bien être émotionnel du Chat de l’autoriser, voire même de l’encourager, à exprimer pleinement ces quelques comportements, en lui mettant à disposition un griffoir ou un bac à litière facile d’accès par exemple.

Dans le cas contraire, un Chat qui ne peut pas marquer suffisamment son environnement aura tendance à devenir rapidement anxieux et à développer des comportements jugés inadaptés comme la malpropreté ou des griffades intempestives …

La sécrétion des phéromones chez le Chat

Les phéromones sont sécrétées chez le Chat au niveau de la tête, sous les pattes, dans la région de l’anus et sont également présentes dans les sécrétions telles que l’urine ou la salive.

Les glandes anales

Il s’agit chez le Chat de quelques glandes sébacées qui débouchent dans le canal anal. Leur sécrétion est épaisse, jaunâtre, d’odeur fétide et a pour rôle de communiquer sur l’identité et le statut de l’animal ainsi que sur son état émotionnel.

Les glandes jugales et périorales

Situées sur le menton, les lèvres, les joues, elles sécrètent les phéromones d’identification ou de familiarisation.

Le Chat les dépose en frottant la partie latérale de sa tête sur des objets (marquage territorial) ou sur les êtres vivants (allomarquage) auxquels il est socialisé (congénères, autre animal, humain).

Elles traduisent son attachement à son territoire et son bien-être.

Les glandes podales

Elles ont pour rôle de diminuer la chaleur du corps, d’améliorer l’adhérence en augmentant l’humidité des coussinets et le marquage.

Leurs sécrétions sont déposées :

• par frottement lors des griffades ou du grattage du sol après excrétion (marques territoriales et sociales).

• lors de la marche

• par peur

Les sécrétions urinaires

Les phéromones urinaires jouent bien sûr un rôle essentiel dans l’attraction sexuelle mais chez le Chat, elles remplissent également un rôle dans dans le marquage du territoire et dans la reconnaissance individuelle.

Ainsi, un Chat peut recourir au marquage urinaire pour :

• marquer ce qui lui est inconnu (objets, lieux, individus) : on parle de marquage d’adoption

• marquer ce qui est déjà marqué : il s’agit alors d’un marquage d’entretien qui permet à l’animal de rafraîchir les marques déjà déposées sur son territoire ou de recouvrir celles d’un congénère
  

Pour résumer, la sécrétion des phéromones peut donc être :

• active par frottement, aspersion, dépôts d’excréments

• passive via les traces laissées par les coussinets lors de la marche ou l’imprégnation suite à un contact prolongé (dans le lieu de couchage par exemple)

La perception des phéromones par le Chat

Le Chat détecte les phéromones présentes dans son environnement grâce à son organe de Jacobson, situé derrière la truffe, sur le plancher de la cavité nasale.

Pour permettre aux phéromones d’arriver jusqu’aux neuro-récepteurs de ce dernier, le Chat réalise un flehmen (lip crul en anglais), c’est-à-dire qu’il entrouvre sa gueule, relève légèrement sa lèvre supérieure et bouge rapidement sa langue en aspirant l’air.

Cette mimique a pour rôle de fermer les narines pour que l’inspiration se fasse par la bouche et que les phéromones soient aspirées dans l’organe voméronasal.

Une minuscule quantité de phéromones suffit pour induire une réaction ou un comportement.

Auparavant, on pensait que le flehmen était réservé à la perception des odeurs sexuelles mais aujourd’hui, on sait qu’il est effectué au cours de comportements à fonctions sociales également.

La phéromonothéraprie : effet de mode, opportunité commerciale ou réelle efficacité ?

Les phéromones font partie intégrante du quotidien du Chat et constituent un facteur d’équilibre et de bien-être.

C’est pourquoi certains laboratoires se sont penchés sur ces substances chimiques et en s’attachant à les synthétiser, ils ont ouvert la porte à une nouvelle branche thérapeutique : la phéromonothérapie.

Ce sont avant tout les phéromones faciales du Chat, au nombre de 5, qui sont utilisées en médecine vétérinaire. Les produits commercialisés sous forme de diffuseurs d’ambiance ou de sprays, utilisent principalement la fraction F3 qui sert de balisage du territoire, et la fraction F4, appelé phéromone de familiarisation, conseillée dans les troubles de la socialisation aussi bien intra qu’interspécifique (le rôle des fraction F1 et F5 ne sont pas encore bien connus).

Ces phéromones de synthèse sont généralement recommandées dès que la routine du Chat se trouve bousculée (période de sevrage, adoption par de nouveaux maîtres, travaux de restauration dans l’habitat, changement de mobilier, excès de bruit, déménagement, naissance d’un enfant, départ en vacances, visite chez le vétérinaire, arrivée d’un nouvel animal de compagnie) afin de le rassurer rapidement et d’éviter qu’il ne devienne agressif ou présente des troubles du comportement.

Mais si y avoir recours part d’une bonne intention, il importe aussi de ne pas s’en satisfaire et de ne pas oublier totalement la nature même du Chat. Car n’oublions pas que les phéromones sont individuelles et personnelles et que votre Chat ne percevra donc pas comme siennes les phéromones de synthèse que vous lui diffuserez pour son bien-être.

Le risque sera donc grand qu’elles n’aient, dans le meilleur des cas, aucun effet mais le remède pourra parfois malheureusement devenir pire que le mal !

Mieux vaut donc prendre le temps de chercher tous les déclencheurs possibles d’un mal-être chez le Chat, qu’il exprimera via un comportant inhabituel que nous jugerons souvent inadéquat, et y remédier au plus vite, le retour à l’équilibre n’en sera que plus rapide et plus durable !

Les phéromones, une communication intuitive à réapprendre

Les phéromones existent aussi chez l’Homme et sont pour un grand nombre communes avec celles du Chat. C’est ce qui permet à nos petits félins de déchiffrer nos émotions, et donc nos humeurs , et de s’y adapter ou d’y réagir !

Car les phéromones restent le principal mode de communication pour le Chat et c’est avant tout par leur intermédiaire qu’il arrive à nous comprendre.

Mais la réciproque n’est malheureusement plus vraie, et notre absence de réponse aux messages phéromonaux que notre Chat nous envoie, qui peut le perturber parfois profondément, nuit incontestablement à la profondeur de notre relation.

Alors essayons de réactiver, un tant soit peu, ce pouvoir perdu en observant a minima attentivement notre Chat quand nous partageons un moment avec lui.

Car si les phéromones animales ne sont pas détectables par l’odorat humain, force est de constater qu’il existe malgré tout une sensation de familiarité au niveau inconscient : les phéromones du Chat induisent en nous un état émotionnel, un apaisement qui nous pousse à rechercher sa présence et à multiplier les contacts physiques avec lui.

Nul doute donc que notre intuition, si nous l’écoutons, nous guidera vers une meilleure perception des émissions sémiochimiques de notre animal de compagnie préféré et enrichira considérablement notre compréhension mutuelle !

CHATleureusement vôtre !

Hélène