Le fait de prêter aux animaux en général et au Chat en particulier des réactions, des sentiments, des raisonnements ou des actes considérés comme propres à l’Homme est une pratique désormais répandue en Occident. C’est ce que l’on appelle l’anthropomorphisme.
La plupart du temps, ces projections anthropomorphiques partent d’un bon sentiment, mais en façonnant l’animal, devenu membre de notre famille à part entière, à notre image et en ne respectant donc pas sa véritable nature, elles conduisent à le traiter de manière inadaptée, ce qui revient à le maltraiter et à perturber notre cohabitation avec lui.
Entre les idées reçues de dominance et de jalousie, le non respect des besoins de constance, de prévisibilité et de choix du Chat, la violation fréquente de son intégrité physique, la non utilisation de la démarche proposition et de consentement, les erreurs relationnelles que nous commettons vis-à-vis de nos Chats sont nombreuses.
Mais comme il m’était impossible de tout aborder en un seul article, j’ai choisi de vous parler tout particulièrement :
- Du poids de nos attentes
- Du nécessaire respect des distances individuelles du Chat
- Des violences invisibles que nous lui infligeons encore trop fréquemment
- Et de l’inefficacité de la punition
Le poids de nos attentes
Si notre histoire commune avec le Chat a pu voir le jour et prospérer, c’est qu’elle repose depuis ses débuts sur une relation gagnant / gagnant : il a protégé nos précieuses récoltes des rongeurs et nous offre aujourd’hui les bienfaits de sa douce présence à nos côtés, nous le protégeons et le nourrissons en retour, et lui permettons de vivre mieux et plus longtemps
Pour que cette relation perdure, il est essentiel qu’elle reste équilibrée et parfois, le seul poids de nos exigences peut faire pencher la balance du mauvais côté
Car nous attendons souvent du Chat qu’il réponde à de nombreuses projections et attentes d’humain, ce dont il n’est pas toujours capable malgré ses impressionnantes facultés d’adaptation, tout simplement parce que nos besoins ne sont pas les siens !
Nos principales exigences reposent le plus souvent sur un besoin :
- affectif : nous attendons de lui disponibilité, fidélité et gentillesse, en tout lieu et en toute circonstance
- de contact : nous lui imposons caresses et câlins n’importe où, n’importe quand et avec n’importe qui
- de compréhension : nous attendons de lui qu’il apprenne nos propres codes de communication et comprenne notre vocabulaire
- d’obéissance : il se doit de respecter nos règles de vie et nos interdits
En projetant ainsi sur le Chat nos désirs et nos besoins, parfois inconsciemment, et en lui imposant nos modes de vie humains, sans respecter ses codes comportementaux et de communication, nous bafouons sa nature propre et sautons à pieds joints dans la violence invisible, dont l’impact peut rapidement devenir catastrophique pour notre relation (comportements perturbés, maladies organiques, distanciation)
Le non respect des distances interpersonnelles
Comme nous, le Chat accorde une grande importance à son espace personnel et il est donc essentiel de connaître, et respecter, ses deux « bulles protectrices » (limites inter-individuelles) qui peuvent déclencher des comportements agonistiques :
sa distance critique, qui délimite la zone dans laquelle toute pénétration perçue comme hostile provoque de la peur et des réactions physiologiques de forte intensité (augmentation du rythme respiratoire et/ou cardiaque, salivation, transpiration, tremblements, mictions et défécations émotionnelles)
–> pour se défendre, le Chat qui se sent acculé a généralement recours à une agression violente et incontrôlée
sa distance de fuite ou de sécurité, qui délimite la zone dans laquelle une pénétration d’un individu d’une autre espèce ou un congénère provoque une prise de distance par méfiance ou par crainte, pour son bien-être ou son intégrité physique
–> pour diminuer sa tension émotionnelle et maintenir l’intrus en delà de cette distance, le Chat adopte généralement une posture de menace ou prend la fuite
Ces 2 « bulles protectrices » ne sont pas figées. De nombreux facteurs entrent en jeu dans leur délimitation : lieux, heures de la journée ou de la nuit, types d’activités (chasse, repos, jeu…), état émotionnel du moment et peuvent les amener à :
- se contracter, lors d’interactions de coopération ou de comportements sexuels
- se dilater, si les ressources sont insuffisantes ou lors d’interactions non amicales
Chaque Chat définit ses propres distances inter-individuelles en lien avec son tempérament, son niveau de socialisation et ses expériences passées et peut ainsi (mal) réagir face à une attention insistante, des invités pressants, des jeunes enfants envahissants ou un autre animal trop entreprenant.
Il appartient donc à chacun d’entre nous de connaitre au mieux celles de notre Chat pour les respecter tout autant que les faire respecter par notre entourage, pour garantir son bien-être et développer avec lui une profonde relation de confiance.
Les violences invisibles
Pour la grande majorité des heureux propriétaires de Chat, la seule idée de brutaliser, de quelque manière que ce soit, leur petit compagnon est totalement inconcevable.
La maltraitance animale, relayée par les médias ou les réseaux sociaux, choque et révolte. Et pourtant …
Sommes-nous bien sûrs que nos minous adorés ne souffrent pas parfois, eux aussi, de quelques violences certes moins visibles et totalement involontaires mais bien réelles malgré tout ?
Car certaines croyances ou attitudes peuvent nuire au Chat, lorsque ce dernier ne peut s’y soustraire, en milieu clos notamment.
L’anthropomorphisme et les idées reçues font bien sûr partie de ces violences invisibles que nous infligeons parfois à nos petits compagnons à « l’insu de notre plein gré » mais n’oublions pas non plus :
- La fréquente impossibilité pour le Chat d’exprimer certains de ses instincts félins pourtant indispensables à son bien-être (grimper / se percher, observer, se cacher, marquer, chasser)
- Les incompréhensions qui résultent de notre mauvaise connaissance du langage corporel du Chat
- L’imprévisibilité fréquente de nos réactions, liée à notre état émotionnel du moment dont le Chat n’est le plus souvent pas responsable
- Notre « géantitude », naturellement impressionnante pour le Chat et vite effrayante lorsqu’elle s’accompagne de vociférations ou de mouvements brusques
- Ces trop nombreux contacts sans consentement que nous lui imposons, pour nous faire du bien sans chercher à savoir s’il les apprécie aussi
- Le poids de toutes nos attentes à son égard (qu’il soit calme, câlin, sociable, obéissant, propre, …)
- Ces interdits d’humains, que le Chat ne peut donc comprendre
- Les punitions éventuelles que nous lui infligeons pour l’éduquer, alors qu’elles lui sont totalement incompréhensibles
L’impact de ces violences invisibles est variable selon chaque individu, son histoire, ses capacités d’adaptation et son seuil de tolérance émotionnel.
Certains Chats les encaissent à première vue mieux que d’autres mais le stress qu’elles génèrent immanquablement finit souvent par provoquer, chez les uns comme chez les autres, des troubles médicaux ou comportementaux.
Prendre conscience des éventuelles violences invisibles que le Chat supporte au quotidien est donc un premier pas difficile mais nécessaire pour les réduire et les supprimer.
La punition
Savez-vous pourquoi la punition est inefficace chez le Chat ?
Lorsque le Chat exprime un comportement gênant, le recours à la punition donne souvent une impression d’efficacité en permettant de stopper le comportement dérangeant pendant un certain laps de temps … Mais ce n’est qu’une illusion !
Car le Chat n’a aucune notion du bien et du mal et chacun de ses comportements répond toujours à un besoin spécifique. Il peut s’agir de :
- la satisfaction d’un besoin instinctif (grimper, griffer, chasser, …)
- l’expression d’un stress (élimination hors litière, agressivité, destructions, …)
Lorsque le Chat fait une « bêtise », c’est que les contraintes environnementales qui nous lui imposons ne tiennent pas compte de ses impératifs biologiques et qu’il trouve de lui-même une solution pour les satisfaire.
C’est pourquoi lorsque nous punissons notre Chat, ce dernier ne fait pas le lien avec son comportement, ce dernier étant pour lui toujours pleinement naturel et justifié.
A l’inverse, c’est nous qui devenons à ses yeux incompréhensible et imprévisible, donc effrayant, ce qui peut :
- renforcer un état d’anxiété déjà présent
- générer de la peur
- malmener le lien de confiance qui nous unit
- amplifier le comportement gênant initial
- déclencher l’apparition de nouveaux comportements gênants
La punition est un concept purement humain que le Chat ne comprend pas.
Elle constitue malheureusement bien souvent le point de départ d’une spirale négative qui dégrade rapidement la qualité de notre relation avec notre Chat et dont il est difficile de s’extraire.
Mieux vaut donc chercher à identifier la motivation qui pousse le Chat à exprimer ce comportement indésirable à nos yeux pour y mettre fin en adaptant l’environnement, en proposant des alternatives acceptables pour tous et en renforçant les bons comportements.
C’est ce que l’on appelle le triangle de la réussite de l’éducation positive : COMPRENDRE son Chat / ADAPTER l’environnement / RENFORCER les « bons » comportements
Voilà, vous disposez désormais de nombreuses clés pour construire une belle relation avec votre Chat sur les valeurs de respect, d’écoute, de compréhension et d’équilibre.
Et j’espère aussi que cette trilogie d’articles vous aura donné envie d’en apprendre encore plus sur votre Chat !
