Combien sommes-nous à avoir été un jour confronté à la présence d’un Chat errant dans notre jardin, arrivé là comme par magie du jour au lendemain, et à avoir décidé de lui ouvrir la porte de notre famille ?
Ou à avoir craqué face à la bouille d’un de ces rescapés de la rue publiée sur les réseaux sociaux par l’association qui l’a pris en charge et le propose désormais à l’adoption ?
Et pourtant, il ne suffit pas d’offrir au Chat errant le gîte et le couvert pour qu’en retour, il nous gratifie d’une présence reconnaissante et fidèle à nos côtés ainsi que de câlins affectueux.
Cette distance que le Chat errant recueilli peut nous témoigner, son goût parfois plus que modéré pour les caresses, voire son aversion pour les câlins collés serrés, ne correspond toutefois en rien à de l’ingratitude, ou du dédain.
C’est plutôt du côté de ses origines et de ses apprentissages précoces (ce que l’on appelle la socialisation) ainsi que de ses expériences de vie, qui peuvent les uns comme les autres l’avoir rendu craintif et méfiant vis-à-vis de l’Homme, qu’il faut aller creuser pour comprendre pourquoi transformer un Chat errant en Chat de compagnie câlin et présent à nos côtés peut parfois prendre un certain temps …
Le Chat errant, qui est-il vraiment ?
Le Chat errant est encore trop souvent qualifié, à tort, de Chat sauvage, dans la mesure où il se laisse rarement approcher spontanément par l’Homme.
Et pourtant, Chat errant et Chat sauvage correspondent à 2 espèces bien différentes :
· le Chat sauvage européen, également appelé Chat forestier, appartient à l’espèce appelée Felis silvestris silvestris, difficile à observer car désormais en voie de disparition
· Le Chat errant appartient lui à l’espèce du Chat domestique Felis silvestris catus, sous-espèce issue de la domestication du Chat sauvage, au même titre que nos Chats de compagnie, qu’ils soient de gouttière ou de race
Il peut donc être déjà parfaitement socialisé à l’Homme et relativement familier en sa présence ou, au contraire, n’avoir jamais été à son contact et ainsi s’en méfier fortement.
Le Chat errant se rencontre désormais malheureusement tout autour de la planète, des îles subantarctiques jusqu’à la forêt boréale.
Il vit de façon indépendante vis à vis de l’Homme, dans le milieu extérieur, que ce dernier soit urbain ou rural mais peut toutefois bénéficier, soit occasionnellement soit plus régulièrement, de soins (alimentation, antiparasitaires, stérilisation) lorsque des particuliers ou des associations de protection animale décident de lui venir en aide, voire de le mettre à l’abri.
Le sens tactile, à l’origine du goût du contact chez le Chat
Il en va des Chats comme des humains, chacun a son tempérament propre qui fait de lui un individu unique et il est bien difficile, voire impossible, de connaître ce dernier à l’avance.
Le comportement du Chat est bien entendu intimement lié à son tempérament, ce qui explique que certains individus aimeront les jeux et que d’autres préfèreront le contact comme type d’interaction avec leurs propriétaires.
Mais le goût du Chat pour les caresses et les câlins est également très fortement dépendant du bon développement de son sens tactile.
Or ce dernier se développe précocement, dès le début de la phase fœtale du Chaton, au 25ème jour de gestation, cela signifie que les foeti :
· sont sensibles aux caresses reçues par leur mère en 2nde partie de gestation et que de ces dernières dépendra leur future capacité à tolérer le contact physique
· sont sensibles aux émotions maternelles et que tout stress vécu par la mère sera ressenti via les contractions utérines et les hormones sécrétées au travers du placenta
Lorsque l’on recueille un Chat errant, que ce soit dans la rue ou via une association (famille d’accueil ou refuge), son origine et ses antécédents sont le plus souvent totalement inconnus : d’où vient-il, où est-il né, sa mère était-elle déjà errante, dans quelles conditions a-t-elle vécu sa gestation …
Il faut donc ne jamais oublier que le Chat errant recueilli peut ne pas avoir développé une grande tolérance au contact physique et qu’il n’appréciera donc pas forcément nos caresses insistantes ainsi que nos câlins un peu trop envahissants.
Il convient donc :
· de ne pas imposer à un Chat errant nouvellement recueilli une relation trop physique en début de vie partagée (sauf demande manifeste de sa part !)
· de respecter son rythme d’approche,
· de ne jamais forcer le contact,
· de toujours lui laisser une échappatoire pour prendre de la distance avec nous,
· d’apprendre à lire ses signaux corporels (battements de queue, position des oreilles, pupilles dilatées)
afin de ne jamais le contraindre à nous agresser par irritation, faute d’autre solution pour faire cesser ce contact physique qui l’importune et le dérange !
La socialisation inter-spécifique, le socle d’une relation de qualité
Chez le chat, la période optimale de socialisation débute dès la 3ème semaine de vie et se termine autour de la 7ème semaine, elle est donc particulièrement précoce et courte et s’avère extrêmement sensible car toutes les stimulations, les événements et les apprentissages vécus par le Chaton au cours de cette période vont laisser une marque indélébile dans sa mémoire.
Par ailleurs, cette socialisation est d’autant meilleure que le chaton est exposé à un nombre important d’humains différents.
Cette socialisation à l’espèce humaine, qui va conditionner la qualité des interactions avec l’Homme, n’est pas indélébile et doit être entretenue.
Ainsi, si un Chaton isolé, sans contact avec l’homme ou avec des situations variées pendant cette période de socialisation deviendra à coup sûr un chaton méfiant et craintif, un Chat de compagnie devenu errant et privé de contacts humains pendant un certain laps de temps risque également de redevenir « sauvage ».
Lors de l’accueil d’un Chat errant, il est donc important d’apprécier rapidement son niveau de socialisation.
Si le Chat errant recueilli a par contre vécu de mauvaises expériences voire un traumatisme, lors d’un précédent contact avec l’Homme, il faudra s’armer de beaucoup de patience pour lui réapprendre à faire confiance et associer le plus souvent possible votre présence à quelque chose de positif pour lui (comme une friandise alimentaire).
Si vous envisagez d’adopter un Chat recueilli via un refuge ou une famille d’accueil, il est conseillé de lui rendre visite à plusieurs reprises et de l’observer à différents moments de la journée pour cerner son caractère et ses préférences, afin de vérifier que les conditions de vie que vous êtes prêt à lui offrir seront adaptées à ses besoins.
Dans tous les cas de figures, que le Chat ai déjà été au contact de l’homme ou pas, que vous le recueilliez directement ou via une association, il conviendra de l’apprivoiser en douceur et avec patience pour lui permettre de s’installer à son rythme dans sa nouvelle vie en veillant à ne jamais créer de situation anxiogène ou à forcer le contact pour ne pas les effrayer.
Le “niveau sensoriel de référence”, ce seuil de tolérance au stimulations
Les stimulations de l’environnement (bruits, textures, objets, transport, …) auxquelles le Chaton est exposé au cours de sa période de socialisation lui permettent également de construire son niveau de référence émotionnel.
Il est donc essentiel de bien stimuler les chatons vis-à-vis de manipulations corporelles mais également vis-à-vis des couleurs, textures, types de substrats, variations de température, bruits, et odeurs afin qu’ils incorporent un maximum de stimulations dans leur « banque de donnée interne » et qu’au moment de leur adoption, leur seuil de tolérance leur permette de s’adapter au mieux au nouveau décor de leur environnement de vie.
Lorsque l’on recueille un Chat errant, une nouvelle fois, nous ne connaissons absolument pas son seuil de référence et donc ses capacités adaptatives.
Selon ses origines, son histoire et son milieu de vie, il est ainsi possible que le Chat errant :
·
· passe d’un milieu hyperstimulant qui lui permet d’exprimer l’ensemble de ses instincts naturels (comme la chasse) à un milieu hypostimulant, lorsque le logement est un appartement notamment, ce qui risque d’entraîner rapidement chez lui de l’ennui et engendrer des réactions anxieuses dues au confinement, c’est ce que l’on appelle l’anxiété du Chat en milieu clos.
Il est donc essentiel d’observer son comportement dès le départ afin de dépister tout risque d’anxiété et de réagir sans délai pour lui permettre de s’épanouir au mieux à nos côtés.
L’acquisition des autocontrôles, un apprentissage incontournable
Chez le Chat, les autocontrôles s’acquièrent aux alentours de la 5e semaine de vie.
Le jeu est un élément essentiel dans l’acquisition de ces comportements régulés utiles à la vie adulte tout comme la présence de la fratrie.
La mère intervient à deux titres, en régulant les comportements débordant et en constituant un modèle à imiter, son rôle est donc également fondamental.
Avant 5 semaines, le chaton est fougueux et excitable et il subit des ripostes s’il griffe ou mord trop fort, tant de la part de ses frères et sœurs que de sa mère qui peut le sanctionner par des gifles sur le nez ou en lui labourant le ventre.
A leur contact et via les jeux sociaux partagés, le Chaton va donc apprendre progressivement à contrôler la rétractation de ses griffes et l’intensité de sa morsure.
Il est donc possible que certains Chats errants présentent un déficit des autocontrôles.
Si tel est le cas, il sera nécessaire d’engager un travail d’apprentissage de ces derniers par le jeu, notamment à distance, en cessant l’interaction au moindre débordement et en encourageant les progrès grâce à quelques friandises distribuées à bon escient.
L’obtention de bons résultats sera facilitée par un comportement patient mais rigoureux, respectueux de l’animal, sans cris ni brutalisations.
Les maladies virales, à dépister sans délai chez le Chat errant
Un Chat errant né / ou ayant grandi en pleine nature peut être porteur de parasites internes et externes ainsi que de maladies dont, notamment :
·
· la leucose féline, maladie virale contagieuse qui se transmet de chat à chat par un simple contact avec des fluides corporels (sang, larmes, salive, urines, etc…) ainsi que par morsure.
· la leucémie virale féline (FeLV), infection par rétrovirus parmi les plus graves chez le Chat puisqu’elle peut être à l’origine de cancers, d’immunodéficience et entraîne a minima diverses affections dites secondaires.
Si vous possédez déjà des animaux de compagnie et que vous décidez d’adopter un Chat errant sans passer par une association, il est plus que conseiller de respecter une quarantaine sanitaire le temps d’organiser sa première visite chez le vétérinaire qui permettra de le déparasiter, de le tester pour dépister s’il est porteur d’une éventuelle maladie virale contagieuse et de définir les éventuelles précautions à prendre pour l’intégrer au mieux à toute votre famille et lui offrir, au besoin, des conditions de vie adaptées.
Cette visite vous permettra également d’identifier votre nouveau compagnon, conformément à la règlementation qui rend désormais obligatoire l’identification de tous les Chats de compagnie !
Patience, persévérance, constance et confiance seront vos meilleurs alliés pour permettre à votre nouveau compagnon de s’adapter peu à peu et en douceur à sa nouvelle vie, dépasser d’éventuelles craintes nées d’un parcours de vie chaotique et développer une relation de qualité.
Mais il ne faut pas oublier non plus que certains Chats errants pourront avoir du mal à accepter une certaine proximité et / ou à faire confiance et qu’ils resteront toujours, malgré tous vos efforts, distants, voire craintifs …
C’est une éventualité qu’il ne faut pas occulter et qu’il faut se préparer, aussi, à accepter.
Mais même sans caresses ni câlin, une relation avec un Chat errant peut être de toute beauté et riche de moments partagés …